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Diaspora

Greg Egan

Le Bélial

  • Conseillé par (Librairie Obliques)
    4 juin 2019

    Plus loin que tout

    Difficile de revenir aux considérations humaines du XXIe siècle après la lecture de Diaspora. Difficile de se dire que nous avons un corps, que nous sommes mortels, que l'intelligence artificielle en est à ses balbutiements, que nous n'avons pas encore posé le pied sur Mars...

    Et pour cause, l'intrigue de ce roman décisif de l'Australien Greg Egan débute en 2975 alors que déjà, l'espèce humaine a été confrontée à des débats éthiques profonds. Fallait-il conserver un corps ? Quel corps ? Conserver une conscience ? Redevenir un animal ? Devenir un pur logiciel conscient enterré dans un simulateur pour l'éternité ? Et quel simulateur ? Une copie du monde matériel ou bien une fantasmagorie mathématique ?
    Ces enjeux qui ont agité les humains sont vieux de plusieurs siècles, chaque "faction" y a répondu à sa manière, et le lecteur découvre cette Terre du futur avec émerveillement et appréhension alors que d'autres menaces planent sur ces civilisations d'après-demain. Déjà, il faut prendre d'autres décisions éthiques... voire de survie.

    Soyons clairs : la prose de Greg Egan ne conviendra pas à tout le monde. Parfois aride, faisant appel à des concepts de mathématiques, de physique des particules pour lesquels il est nécessaire d'avoir quelques notions de base, le texte est complexe et vous larguera par moments. Mais c'est le prix à payer pour venir à bout de ce qui est probablement l'une des préfigurations littéraires les plus cohérentes du futur de l'espèce humaine en l'état actuel de nos connaissances scientifiques.

    Pas d'affolement toutefois. Si vous avez lu cet article jusqu'ici, c'est que vous vous intéressez au sujet. Inutile d'être chercheur en astrophysique pour aller au bout de Diaspora. Disons que si vous avez une vague idée de ce que sont un neutron et un trou de ver, votre lecture devrait bien se passer et vous n'aurez qu'à vous accrocher pendant les quelques passages un peu plus pentus. Le reste ne sera que fascination devant la force d'imagination d'Egan et sa manière de faire surgir de puissants questionnements métaphysiques au cœur même d'une épopée intergalactique en 5 dimensions.

    Des millénaires dans le futur, des milliards de kilomètres loin de la Terre, la question de la vanité de la vie reste en effet la même. Ainsi, l'un des personnages, rendu plus loin qu'aucun être humain n'est jamais allé, résume bien le mouvement qui agite les protagonistes de ce roman-monde. Plein d'une touchante sincérité, il dit :

    "Nous avons besoin d'apprendre ce que cela signifie que d'habiter l'univers."

    En fait, nous aussi.