Le feu dans la nature, mythes et réalité

Pour la Science, n°336, octobre 2005, Pierre-Yves Colin, CEMAGREF.
"Ecologie : La nature n'a pas horreur du feu
Il y a 30 000 ans, le feu parcourait déjà la végétation méditerranéenne du Sud-Est de l’Espagne, laissant dans le sol des traces de charbon. Aujourd’hui, le feu vient beaucoup plus fréquemment menacer nos vies, nos maisons, nos activités. Et nous attendons que les pompiers arrivent, détruisent la bête, et nous libèrent de la peur et de la destruction.
Trop simple? Pour le savoir, le mieux est de lire ce livre passionnant, où la longue histoire du feu dans la nature nous est racontée sans ménagement pour nos certitudes et notre bonne conscience. Le feu, phénomène physico-chimique, proche de la respiration, est depuis toujours présent dans notre imaginaire. Fondation du développement technique, il nous offre de façonner le monde. Lorsqu’il court dans les collines, nous le traitons en ennemi, ne voyant que les troncs calcinés et le sol qui semble stérile, mais oubliant qu’événement né des origines, il participe à modeler la végétation et les paysages. Les cônes de pin d’Alep s’ouvrent à la chaleur, libérant les graines qui donneront une nouvelle pinède. Les milieux ouverts par le feu sont riches en espèces végétales et animales absentes des forêts. C’est cette complexité de l’impact des incendies que nous présentent les auteurs, sans simplisme et sans éluder les questions sans réponse définitive.
Le feu de végétation, phénomène naturel, qui peut se passer de l’homme pour naître et exister, est cependant le plus souvent provoqué, dans les régions méditerranéennes, par les activités humaines. L’ouvrage s’attaque ici aussi à une idée reçue, celle des incendiaires responsables des feux. Bien sûr, ce comportement existe bien, mais seuls 15 pour cent des surfaces brûlées lui sont imputables. Une forte majorité des incendies est due à nos imprudences (travaux, barbecues, cigarettes...) ou à des accidents (ligne électrique, dépôts d’ordures...). Une des qualités de ce livre est de nous faire comprendre que la prévention des incendies est indissociable de la connaissance des origines des feux et de la prise de conscience par chacun de nous des risques engendrés par certains de nos comportements, même banals.
Enfin, l’ouvrage nous plonge au coeur des opérations de lutte, par des témoignages de pompiers aux prises avec des incendies de l’été 2003. Ces récits concrets racontent les préparatifs avant le départ sur le feu, la difficulté des déplacements pour arriver sur le site, l’affolement des populations confrontées à la violence de l’incendie, les nuits et les jours passés à lutter contre les flammes, le spectacle de désolation révélé lorsque le sinistre est enfin maîtrisé.
L'éclairage original de cet ouvrage, son désir d’ouvrir un débat plutôt que d’affirmer des vérités toutes faites en font un excellent outil de réflexion sur les incendies de forêt."