3 - Chassez le Naturel

Édito

J'ai l'impression que je peux en toucher les épaisseurs, la texture, d'un son, d'un regard, d'un mouvement, que je peux écouter des odeurs, renifler la douceur, goûter un paysage, en fait, j'ai le sentiment que tout se confond, délicieusement tout est à la fois fondu et mélodieux comme en un seul élan, et en même temps très distinctif, singulier, identitaire, chaque rencontre ayant réellement incarné ce qu'est une signature, dans sa façon d'être, de vivre, de faire du vin, ou du fromage, et le tout concourant à jouer une même partition, ou à peindre une même peinture, écrire un même livre à la façon des cadavres exquis, par petites touches, et ainsi s'est écrit et est né ce troisième Chassez le Naturel dont j'apprends chaque jour à être fière, de son énergie, sa griserie, sa musique, son attitude, et qui raconte, en phrases parfois ponctuées et parfois pas, ce qu'on m'a transmis souvent sans avoir vraiment décidé de me transmettre, des émotions que j'ai ressenties, des pensées qui m'ont traversée, la météo, la pluie diluvienne, quand ça grésille dans le ciel, brûlure de vivre, un tissu sur la peau, une morsure dans les figues, les vignes indolentes, les fruits lascifs, les rires stridents, les vins qui réveillent, les routes, suivre le rythme de la nature, des saisons, de la semaine, se laisser traîner, décider d'y aller, et la chair de poule se répand diligente sur le corps. Le vin c'est aujourd'hui dans ma tête et ma bouche, une matière, libre, forte, bruyante, un mille-feuille, qui ouvre, embarque, qui bouge, une matière chargée d'esprit, incarnée donc, à la fois un moyen et une fin, une densité qui fait penser, voyager, rêver, se sou-venir, rencontrer, ressentir, grandir, et la soif ou l'appétit ne sont toujours que de vie,