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DERNIER COURRIER AVANT LA NUIT
Format
Broché
EAN13
9782841875252
ISBN
978-2-84187-525-2
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
ARTS ET SPECTAC
Nombre de pages
280
Dimensions
10 x 10 x 2 cm
Poids
100 g
Langue
français
Code dewey
700.92

Dernier Courrier Avant La Nuit

De

Archipel

Arts Et Spectac

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  • Vendu par Librairie Le Livre.com
    Description
    R160215481: 2003. In-8. Broché. Etat d'usage, Couv. convenable, Dos satisfaisant, Intérieur frais. 279 pages. . . . Classification Dewey : 840.092-XXI ème siècle
    État de l'exemplaire
    Etat d'usage, Couv. convenable, Dos satisfaisant, Intérieur frais
    Format
    In-8
    Reliure
    Broché
    25.80 (Occasion)

Autre version disponible

DU MÊME AUTEUR

La Question se pose : autoportrait, Robert Laffont, 1990.

Un livre présenté par Christophe Barbier.

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34, rue des Bourdonnais, 75001 Paris
Et, pour le Canada, à
Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont,
Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-1491-0

Copyright © L'Archipel, 1995 ; 2003.

Au lecteur

Il est des êtres si proches qu'on n'imagine pas leur écrire, comme si les lettres étaient réservées aux absents. On ne songe pas à leur dire combien on les admire ou combien on les aime. Un jour, il est trop tard...

Toute ma vie, j'ai croisé des artistes d'exception. Toute ma vie, je me suis entouré d'êtres chers. Les premiers ont presque tous disparu, certains des seconds se sont éloignés. À ces fantômes et à ces ombres, j'ai voulu écrire un dernier mot, en guise de post-scriptum à une amitié, une paternité, une admiration, un amour...

Aujourd'hui, je reprends la plume. J'achève mon courrier en retard. Je sais : mes correspondants n'habitent plus à l'adresse indiquée. Beaucoup vivent désormais dans ce village où nul facteur ne passe jamais. Peu importe. Je leur écris, et, s'ils pouvaient soudain lire ce courrier, je veux croire qu'ils se reconnaîtraient, qu'ils me reconnaîtraient.

Ami lecteur, mon semblable, mon frère, voici mon dernier courrier avant la nuit. La levée sera bientôt faite. Il me faut vite glisser mon paquet d'enveloppes dans la boîte en n'oubliant pas d'y apposer la mention « urgent ».

Je dois avoir fini avant ce soir. Quand le jour décline, je troque volontiers mon stylo pour un pinceau. J'ai besoin pour écrire de sentir la vie bruire autour de moi, d'entendre la ruche humaine bourdonner. Tout comme j'aime, lorsque je sors mon chevalet, sentir la nuit chuchoter, deviner l'écho assourdi des derniers bruits du jour...

Voici mon dernier courrier avant la nuit. Mais ces lettres n'appellent pas de réponse. Elles sont autant de messages glissés dans une bouteille promise à la mer. Les flots les porteront où ils voudront.

Ce dernier courrier, je ne voulais pas le poster sans t'écrire cette lettre, à toi, mon cher lecteur. Spectateur anonyme de mes récitals, tu m'applaudis dans la pénombre. Je ne te remercierai jamais assez. Tu es celui qui écoute mes disques sans que j'en sache rien. Tu es celui qui est entré par hasard dans une bien vieille demeure, pour y découvrir un paquet de lettres enrubannées...

Coupe le ruban. Décachette les lettres. Elles sont à toi.

S. R.

Aux frères Prévert

Cher Jacques, cher Pierrot,

Cher Pierrot, cher Jacques,

Si je ne sais auquel de vous deux m'adresser en premier, c'est que j'ignore celui que je préfère. Je vous aime tous les deux, ensemble, inséparables, en bloc. On ne sépare pas plus les frères Lumière, les frères Montgolfier que les frères Prévert. J'aime Jacques-Pierre Prévert.

Jacques... Cyrano lui-même t'aurait gratifié d'un « Quel panache ! » Tu étais toujours vêtu impeccablement, la fleur à la boutonnière et le bon mot aux lèvres. Car ta vie, c'était ça, chercher toujours le mot qui fait rire, celui qui interloque, celui qu'on n'attend pas. « Albert Camus a écrit l'Étranger et ensuite il s'est fait naturaliser », as-tu osé dire un jour. Voilà l'un de tes mots, assez méchant celui-là. Pourtant, au fond, tu étais, comme Sartre ou comme Camus lui-même, la générosité même.

Quand une idée te passait par la tête, tu la couchais immédiatement sur le premier papier venu : un quelconque bout de feuille, un coin de nappe, un morceau de journal. Brefs textes qui t'amusaient, bons mots attrapés au vol, piques et pointes jaillies de ton esprit. Tu n'avais pas la moindre intention de publier ces « petits machins-là », comme tu les appelais avec une drôle de moue autour de ta cigarette. Heureusement que les copains n'étaient pas de cet avis. Patiemment, discrètement, ils ont récupéré ces petits papiers, et, sans que tu en saches rien, éditeurs clandestins, ils les ont publiés. De ces bouts de papier muets est né Paroles, et ces « petits machins-là » ont produit un chef-d'œuvre. Ensuite, c'est délibérément que tu as écrit Histoires, avec André Verdet. Je dis délibérément, mais aujourd'hui encore je me demande si tu n'as pas voulu rendre service à Verdet, qui en avait bien besoin, malgré son talent... À force de jouer avec les mots, Jacques, ils se sont joués de toi, et, sans t'en rendre vraiment compte, tu es devenu poète.

Le mot, mon très cher Jacques, était presque ta raison de vivre. J'en ai la preuve.

Un jour, tu passais dans une station de radio sise au-dessus du cinéma le Normandie, au premier étage d'un immeuble des Champs-Élysées, en plein VIIIe arrondissement. Les fenêtres du studio s'ouvraient diaboliquement vers l'extérieur, au dessus de la rue. T'appuyant aux carreaux, tu basculas dans le vide et tombas sur la tête, comme pour donner raison au titre d'une de mes chansons, E pericoloso sporgersi. Mais ta mésaventure parut tourner au tragique. Tu fus porté à l'hôpital dans un coma profond, avec une fracture du crâne. Pierrot te veilla jour et nuit. Tu récupéras lentement. Enfin, après vingt jours de coma, tu ouvris un œil. Et ta première phrase de ressuscité fut : « Je voudrais savoir si je suis tombé du premier dans le huitième ou du huitième dans le premier... » Le mot, toujours le mot, le mot pour rire ! Si je ne tenais pas l'histoire de Pierrot en personne, je ne pourrais la croire.

Miraculé ou pas, tu étais, mon cher Jacques, athée comme je le suis moi-même : profondément. Pour montrer qu'il n'y avait pas de doute là-dessus, tu épelais : « A comme athée, T comme totalement athée, H comme hermétiquement athée, É comme énormément athée, E comme Entièrement athée. » Dieu, la mort, la vie, rien n'échappait à ta folie des bons mots. Tu en étais affamé, boulimique, enragé. Faire de l'esprit était plus qu'une gymnastique pour toi, c'était une drogue.

À la Colombe d'Or de Saint-Paul-de-Vence, quand les beaux jours revenaient – et que nous étions tous deux des athées pas mal éméchés –, nous passions nos soirées à lancer des pétards et des boules puantes sous les tables voisines. Titine – la merveilleuse Titine –, Yvonne et Francis, les patrons, étaient ravis du chahut. Et quand il n'y avait plus personne, que le bruit et la puanteur avaient fait fuir les derniers convives, tu allais te rafraîchir en plongeant tout habillé dans la vasque de l'entrée. Te souviens-tu de ces folles soirées ? Je repense à ces gamineries – et à nos cuites... – lorsque je chante ton célèbre texte :

Il ne faut pas
Il ne faut pas laisser les intellectuels jouer avecles allumettes.
Parce que, Messieurs, quand on le laisse seul
(...)
Le monde mental ment
Monumentalement.

Succès garanti pour ton texte ! Comme tu peux le constater de là où tu es, je n'ai pas un public d'intellectuels : c'est toujours ça de gagné... Nos pétards et nos boules puantes ont triomphé, je n'ai plus besoin d'en lancer. C'est heureux, car je n'aurais pas le cœur à le faire sans toi.

Comme l'on ne vit pas plus de bons mots que d'amour et d'eau fraîche, tu ajoutais des mots aux bons mots, tu les mettais en phrases, et cela donnait des scénarios et des dialogues de films. Pour les Portes de la nuit, tu n'avais – déjà – pas prévu d'engager des intellectuels : tu voulais Jean Gabin et Marlène pour les rôles principaux. Moi, je jouais un sale collaborateur. Marcel Carné, apprenant que ni Gabin ni Marlène ne souhaitaient s'engager, m'envoya à l'hôtel Claridge, où ils demeuraient le temps d'un tournage. Marlène portait encore l'uniforme américain de « Wack », et Gabin celui de la Marine. Je fis des pieds et des mains pour les persuader de passer par les Portes de la nuit, mais en vain, et revins au studio bredouille. Yves Montand, à peine arrivé de Marseille où, déjà, il chantait des poèmes de toi, fut engagé à la place de Gabin. Son accent marseillais était irrésistible, mais somme toute assez déplacé. Il a perdu plus tard cette gouaille pour devenir un excellent acteur. Quant à l'actrice qui remplaça Marlène, je ne me rappelle même pas son nom. Je sais seulemen...
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