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Le peigne en écaille, roman
EAN13
9782841879373
ISBN
978-2-84187-937-3
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Roman français
Dimensions
22,5 x 14 cm
Poids
406 g
Langue
français
Code dewey
843

Le peigne en écaille

roman

De

Archipel

Roman français

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Et, pour le Canada, à
Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont,
Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-1114-8

Copyright © L'Archipel, 2008.

À Andrea Leers,
qui a su soutenir mes premiers efforts
et n'a jamais cessé de m'encourager.

Préface

À travers le récit de son jeune héros, Jean-Pierre Angel nous livre ses propres souvenirs d'enfant juif réfugié en zone « libre » au temps de l'Occupation ; des souvenirs qui se mêlent à ceux d'autres « survivants » qu'il a rencontrés. Le Peigne en écaille est donc une fiction, mais une fiction nourrie de faits réellement vécus.

On ne cessera plus de s'interroger sur ces événements. Comment des gendarmes français ont-ils pu procéder à l'arrestation d'hommes, de femmes et d'enfants coupables seulement d'être juifs ? Comment ont-ils pu les conduire au Vél' d'Hiv dans les autobus de la TCRP – l'ancêtre de la RATP – sous la menace de leur arme ? Comment ont-ils pu refermer derrière eux les portes de Drancy ? Comment ont-ils pu se faire les complices de la barbarie, eux dont la mission initiale consistait à protéger ? Comment, en somme, de tels faits ont-ils pu advenir ? Et pourquoi ?

Toute question, dit-on, mérite réponse. Celle du « comment », en l'occurrence, est en grande partie résolue. Les documents ont été rassemblés et publiés jusqu'au dernier bordereau. Les photos ont été portées à la connaissance du public. Les listes de victimes sont accessibles. Les ouvrages de Primo Levi ou de Raul Hilberg, pour ne citer que deux auteurs, ont connu une diffusion mondiale. Sans parler de Shoah, le documentaire de Claude Lanzmann, qui a tant fait pour l'éveil des consciences. En somme, nous savons désormais le déroulement des choses, et c'est ce qui a permis au président de la République, Jacques Chirac, de reconnaître officiellement, dans un discours célèbre, le rôle cruel joué par la France dans la déportation des Juifs. Reste l'autre question. Celle du pourquoi. Et là, nul encore n'a pu répondre. Plus exactement, de multiples réponses ont été apportées, dont aucune, en définitive, n'a permis d'éclairer un mystère qui est peut-être au-delà de notre portée.

C'est pourquoi les témoignages sont si importants, qui nous disent principalement deux choses.

D'abord, qu'il ne faut pas oublier. Ce « Don't forget » est essentiel. Construire l'avenir n'est possible que dans la connaissance du passé. Affirmer le contraire relève de cette imposture aujourd'hui exprimée dans le révisionnisme et le négationnisme. Des gens malfaisants, affublés parfois de titres universitaires, s'efforcent de convaincre le public que l'Occupation ne fut pas un épisode si douloureux de notre histoire, et que les chambres à gaz n'ont jamais existé. Face à cette propagande, donnons la parole aux témoins, tout simplement. À ceux qui ont subi le joug de l'occupation, la cruauté des nazis, la trahison des collaborateurs. À ceux qui ont vu s'élever dans le ciel noir de Pologne les fumées des crématoires, et qui par pur miracle sont encore là pour dire la vérité.

Le second message porté par les témoins est évidemment contenu dans l'acte même qui consiste à se dresser contre le mensonge. Cet acte porte un nom : le courage. Parler est brave. Parler est digne. Parler est humain. Dire est indispensable. Et la vigilance est un devoir.

Le livre de Jean-Pierre Angel en atteste. Il nous informe de ce qui est arrivé aux Juifs de France durant ces années noires ; il est aussi un geste nécessaire, un acte de mémoire, par conséquent une œuvre d'espérance. Fondé sur un travail de recherche, et sur un effort de synthèse, il offre au lecteur une leçon de vie. À ce Peigne en écaille, on serait tenté d'appliquer le jugement de Voltaire disant que « la seule excuse d'un livre est d'être vrai ». Si ce n'est que l'ouvrage n'a même pas besoin d'excuse. Pour ma part, je l'ai lu et relu avec grande émotion.

Cher Jean-Pierre Angel, vous m'avez conduit de page en page jusqu'à la dernière ligne. Merci encore pour ce beau livre émouvant et fort. Merci d'avoir cité ces quelques hommes exemplaires qui, dans les pires moments de votre enfance, vous ont permis de survivre. C'est de ceux-là qu'il nous faut nous souvenir. Ils en valent la peine.

Et si vous le permettez, je souhaiterais rendre un hommage mille et une fois mérité à l'archevêque de Nice, Monseigneur Rémond, qui a aujourd'hui son arbre planté à Yad Vashem, dans l'allée des Justes. Ce juste parmi les justes a sauvé de 1942 à 1944 plus de 527 enfants juifs. Je fus l'un de ces enfants. Il est heureux qu'en cette triste période de notre histoire certains d'entre nous, au péril de leur vie, aient permis à leurs semblables de ne pas désespérer de l'humanité.

JOSEPH JOFFO

1

Mai 1941.

Paris, le Marais, 20 rue des Écouffes.

Il est 10 heures ce soir. Ma mère s'inquiète. Mon père n'est toujours pas rentré. D'habitude, il est de retour à la maison vers sept heures et demie au plus tard. Avec maman, nous descendons dans la rue. Nous allons chez l'épicier, puis à la pharmacie, puis au café de la rue des Rosiers.

— Vous n'auriez pas vu mon mari ?

À chaque fois, on nous fait non de la tête ; on nous jette des regards peinés.

Ma mère veut aller voir au métro Saint-Paul. Il y a peut-être eu une panne ! Mais non. À la station, tout semble normal. Nous descendons la rue Saint-Antoine presque jusqu'à Bastille. Retour par la rue des Francs-Bourgeois. Ma mère marche vite !

— Dépêche-toi, Simon.

Nous revoilà dans l'appartement. C'est Élise, ma sœur, qui ouvre la porte en entendant notre pas dans l'escalier. Elle commençait à se faire un sang d'encre. Maman est décomposée.

Dix heures. Onze heures. Toujours aucune nouvelle. Ma mère s'en va frapper chez les voisins qui sortent sur le palier en pyjama. Ils dormaient déjà. Ils compatissent. Ils s'efforcent d'apaiser maman – en vain. Elle revient dans l'appartement.

Elle ne dormira pas. Élise et moi nous assoupissons, blottis à côté d'elle sur le canapé. Je me réveille en sursaut : maman vient d'éclater en sanglots. Elle se lève, gagne la chambre, va dans la cuisine, retourne dans la chambre, revient au salon où elle se laisse tomber dans un fauteuil. Elle pleure en silence. Elle ne sait que faire.

Aux premières lueurs du jour, elle repart chercher son mari dans le quartier. Rue des Rosiers, le patron du café lui fait signe.

— Ah, madame Crespi ! Je viens juste de raccrocher le téléphone. Il y a un message pour vous. Je m'apprêtais à aller vous prévenir. Un homme a appelé...

— Qui ? Il a donné son nom ?

— Il a dit qu'il téléphonait de la part de Victor Crespi...

Le patron du café hésite, puis lâche enfin :

— Votre mari a été arrêté. Il vous fait dire qu'il écrira dès qu'il le pourra, pour vous faire savoir où il se trouve.

Maman est sous le choc.

— C'est tout ?

— C'est tout.

Mon père est tombé dans une rafle alors qu'il rentrait du travail. Les agents se cachaient dans les couloirs de la station Saint-Paul. Il y en avait partout – les uns en civil et les autres en uniforme. Impossible de passer entre les mailles du filet. La police demandait à tous les hommes de présenter leurs papiers et ils arrêtaient les Juifs étrangers. On ne leur avait pas confié une tâche bien difficile ! Comme les autres, papa avait le mot « JUIF » inscrit au tampon rouge sur sa carte d'identité. On l'a emmené au commissariat, puis dans un centre où étaient déjà parqués des centaines d'individus – tous dans la même situation. Papa a repéré un agent qui paraissait plus compréhensif que les autres et il lui a demandé de téléphoner au café de la rue des Rosiers. Il suffisait de laisser un message à l'attention de Fanny Crespi. L'agent a fini par consentir. Il faut dire que papa, pour appuyer sa requête, lui avait glissé un billet de 50 francs.

Une chance : c'était vendredi soir et il venait juste de toucher sa paie.

Sortant du café, ma mère se précipite au commissariat pour tenter d'obtenir des renseignements.

Un agent accepte de donner deux ou trois coups de fil. C...
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