L'«Historia». Commencements grecs

De quand date l'histoire ? Des Grecs, croit-on assurément. Mais les auteurs disputent pour savoir qui est le véritable père fondateur : Hécatée de Milet ? Hérodote ? Thucydide ? Catherine Darbo-Peschanski montre lumineusement que la querelle en paternité n'a pas lieu d'être. Les commencements ne sont pas ceux de l'histoire mais de l'historia et appartiennent à la sphère de la justice. L'histôr chez Homère est un juge de première instance dans le cadre d'une double procédure judiciaire. L'historia relève donc du jugement jugé. Au commencement, elle porte sur tous les types de phénomènes. Au fil du temps, son objet devient les seuls événements advenus : le genre historique naît de la réunion de récits de nature hétérogène en une seule suite chronologique sans que l'histoire ait jamais été constituée en discipline. Cette vaste enquête sur les métamorphoses de l'historia et les manières successives de concevoir le devenir arrache l'historiographie des Grecs à l'intenable position de précurseur, magnifiée comme origine de la «science historique» mais dépréciée comme tentative inaboutie. La voici désormais rendue à son originalité première.
Catherine Darbo-Peschanski, chercheur au CNRS, historienne de l'Antiquité, est notamment l'auteur de Le discours du particulier. Essai sur l'enquête hérodotéenne (Seuil, 1987) et de l'entretien avec Paul Veyne, Le quotidien et l'intéressant (Les Belles-Lettres, 1995).