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La vestale, roman
Format
Poche
EAN13
9782352871101
ISBN
978-2-35287-110-1
Éditeur
Archipoche
Date de publication
Collection
Romans français
Nombre de pages
360
Dimensions
17,8 x 11 cm
Poids
204 g
Langue
français
Code dewey
843
Indisponible
DU MÊME AUTEUR

Violon amer, L'Archipel, 2009.
Morue !, L'Archipel, 2006 ; Archipoche, 2007.
Connard !, L'Archipel, 2005 ; Archipoche, 2006.
La Samouraï, L'Archipel, 2004.
Les Fleurs de l'âge, L'Archipel, 2003.

Ce livre constitue une édition revue et
corrigée de La Vestale, paru aux éditions
Michel de Maule en 2001.

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eISBN 978-2-3528-7423-2

Copyright © Éditions Michel de Maule, 2001.
Copyright © Archipoche, 2009, pour la présente édition.

Aux hommes de ma vie.

À Oriane, ma fille à la voix d'ange.

PROLOGUE

Paris, décembre 1856.

Elle a vingt-deux ans et elle va mourir. Entre des draps sales. Dans la solitude glacée de cet appartement qui fut jadis l'écrin de ses ivresses amoureuses. Mais qui a vraiment aimé cette enfant pour autre chose que pour sa beauté ?

Une vie perdue au fond du miroir. Une vie pour rien, partie en fêtes galantes et en frivolités.

Elle m'a suppliée de toujours placer mon art au-dessus de tout. De ne jamais m'en laisser détourner. Par personne. Afin que sa vie perdue soit un peu rachetée par la mienne. Pour que la mort l'emporte moins inutile, moins désespérée.

Ai-je vraiment entendu ses derniers mots?

J'ai déposé pour la dernière fois un camélia à son chevet et j'ai promis, submergée de chagrin au souvenir de notre première rencontre.

Trois ans déjà. Été 1853. Rossini était revenu passer trois mois à Paris et donnait de nombreux dîners pour ses amis et connaissances. J'arrivais tout juste de Vienne avec Louis lorsqu'un billet nous parvint. Le maître nous invitait à déguster ses dernières trouvailles culinaires. Cette invitation nous causa un vif plaisir et nous décidâmes de retarder notre départ pour Nohant afin de l'honorer.

Rossini avait rassemblé ce soir-là deux musiciens, une cantatrice mariée et son époux républicain, deux demi-mondaines, un riche aristocrate et le fils naturel d'un écrivain de renom. Rossini aime trop la vie pour se la compliquer avec le protocole !

Marie était venue accompagnée du fringant Lord Seymour, membre du Jockey Club et protecteur généreux de cette toute jeune beauté. Louis semblait offusqué de dîner à la table d'une courtisane déjà célèbre mais Berlioz, Meyerbeer et Rossini étaient ravis. Lord Seymour avait fait livrer plusieurs bouteilles de champagne et tous ces messieurs se disputaient l'honneur de remplir la coupe de la belle Marie. Seule Olympe Pélissier – à qui sa longue liaison avec Rossini conférait, malgré un glorieux passé de cocotte, un air de respectabilité – restait d'une politesse glaciale tandis que le jeune Alexandre Dumas ne cessait de rougir bêtement.

On dîna entre six heures et sept heures puis on discuta et chanta jusqu'à minuit. Le repas fut excellent. On nous servit de la mortadelle de Bologne, des raviolis au parmesan, de la dinde aux truffes et des pâtisseries. Curieux comme je me souviens de tout cela...

Les meilleurs vins de Bordeaux coulaient à flots et nous y fîmes tous honneur, à l'exception de Marie qui préférait siroter son champagne en picorant dans l'assiette de Berlioz. Elle était gaie mais parlait peu, préférant écouter avec attention. J'étais fascinée par la fraîcheur de cette femme que l'on disait si dépravée.

Lors du dîner, la conversation ne valut point qu'une honnête femme s'y mêlât et Marie se contenta d'y apporter son joli rire en contrepoint. Soudain, ses yeux s'agrandirent de stupeur en voyant Rossini engloutir à lui seul la moitié du plateau de pâtisseries. C'était, j'en conviens, un spectacle stupéfiant que ce défilé de choux crémeux, de feuilletés, de fruits déguisés, happés par une main ronde mais élégante laquelle, échappée d'une manchette impeccablement blanche, semblait vivre sa vie propre dans le seul but de combler l'impérieux orifice du maestro. N'y tenant plus, Marie sortit de sa réserve.

« Mais comment faites-vous ? demanda-t-elle en riant. Comment pouvez-vous manger autant sans vous rendre malade ?

— Mais je suis malade ! », répondit Rossini la bouche pleine, projetant vers Marie des débris de gâteau. L'un d'eux, plus gros que les autres, alla se nicher entre ses seins. Mutine, celle-ci proposa :

« Voulez-vous récupérer vous-même votre bien ? Lord Seymour n'y verra pas à mal, n'est-ce pas, trésor? »

Le « trésor » qui me faisait face me regarda d'un air navré.

« J'accepte, souffla-t-il, que mes largesses profitent à mes amis. »

Rossini se leva, contourna la table et, avec la même gourmandise qu'il mettait à cueillir sur le plateau une grasse sucrerie, palpa les seins de Marie et attrapa du bout de la langue la miette clandestine. Berlioz et Meyerbeer applaudirent. Les autres préférèrent porter ailleurs leurs regards. J'avais pour ma part bien envie de succomber à cette gaieté sensuelle que toute mon éducation rejetait.

Après le dîner, nous passâmes au salon et la conversation reprit un tour plus normal. On causa musique et politique, on demanda à Rossini de raconter sa vie à Bologne et l'on se tint presque bien. Vers dix heures, Rossini vint me prier de chanter. J'hésitais à accepter lorsque je lus dans les yeux de Marie une prière si ardente que je déclarai sans réfléchir :

« Je vais chanter tout spécialement pour Mlle Duplessis qui, seule parmi vous, ne m'a jamais entendue. Maestro, voulez-vous m'accompagner ? »

Rossini était un excellent pianiste et le Pleyel sonnait bien. Nous régalâmes notre auditoire d'airs de Rossini, mais aussi de Meyerbeer et de Mozart. Parfois, Rossini joignait sa belle voix de baryton à la mienne. Je chantai fort bien ce soir-là, pour plaire à Marie qui battait des mains entre chaque morceau et m'envoyait des baisers, mais aussi pour tester mon propre pouvoir de séduction. Je n'avais ni la peau laiteuse de Marie ni sa gorge épanouie, mais je frissonnais à chaque fois qu'un homme effleurait cette jolie fleur, comme si chacune de ces caresses m'était aussi destinée. J'avais faim de ces hommages, mais la nature ne m'avait pas suffisamment dotée pour me les attirer. Le chant, je le savais, pouvait retourner la situation à mon avantage. Il dévoilait mon âme, ma beauté intérieure.

Après quelques airs, Marie cessa en effet d'exister. Seul le jeune Dumas continuait de la couver tristement alors qu'elle n'avait d'yeux que pour moi. Comme il persistait à vouloir attirer son attention, elle ôta distraitement le camélia rouge qu'elle portait à sa robe et lui en fit don sans même le regarder. Le pauvre garçon manqua défaillir et alla s'affaler dans une bergère, la fleur serrée contre son cœur. On ne le vit ni ne l'entendit plus de toute la soirée.

Lorsque je cessai de chanter, tous ces messieurs vinrent me fêter. Berlioz, surtout, me baisa les mains avec une chaleur qui me fit rougir. Étais-je subitement devenue désirable? Marie s'empressa de me détromper.

« J'accepterais de bon cœur d'être aussi laide que vous s'il m'était donné d'avoir votre voix. Quel bonheur d'abriter en soi un tel joyau ! Partout où vous allez il vous suit et nul ne le soupçonne tant que vous n'ouvrez pas la bouche. Voilà qui affole plus sûrement un homme qu'une beauté comme la mienne ! »

Ce compliment ambigu m'alla droit au cœur, mais Marie n'en avait pas fini.

« J'espère que votre mari vous rend heureuse », me dit-elle gentiment.

Comme je ne répondais rien, elle ajouta :

« Je vois. C'est un mari. Sauf votre respect, madame Viardot, vous devriez vous laisser aimer par d'autres. Mais n'aimez point trop vous-même. Votre beau talent ne mérite pas que vous vous laissiez distraire ! »

Par ces propos, Marie m'avait parlé d'égale à égale mais je ne m'en formalisai pas. Je ressentis au contraire une vive affection pour cette femme si simple dans l'expression de ses émotions. Elle m'avait fait penser à Maria et, dans le secret de mon cœur, je l'aimai dès ce jour comme une sœur.

PREMIÈRE PARTIE

1

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