www.leslibraires.fr

Auteurs et illustrateurs répondent à nos questions autour de leur dernier livre. Découvrez leurs livres de chevet, leurs conseils de lectures, et plongez dans les coulisses de leur travail.

Entretiens

Sélection "jeunesse" de la librairie Le Puy des livres

Emilie Robin et Emilie Guitreau, dites "Les Emilies", sont toutes les deux gérantes de la librairie spécialisée jeunesse à Issoire, Le Puy des Livres, qui a ouvert il y a 10 mois. Elles vont tenter de répondre à une question qui revient assez souvent en librairie : que lire après Harry Potter ?   Qui sont "Les Emilies" ?   Emilie Robin « Monter ma propre librairie jeunesse, en faire un lieu dynamique, chaleureux et pouvoir apporter ma touche personnelle est un projet qui me trotte dans la tête depuis plusieurs années. Après une dizaine d'années à travailler en librairie dans divers rayons, je me suis sentie prête à sauter le pas. Et le faire avec une collègue et amie qui partage mes valeurs et mon goût pour la littérature jeunesse est un vrai plaisir ! »   Emilie Guitreau « Libraire jeunesse également depuis une dizaine d'années, je ne me vois pas exercer un autre métier ! Très originalement, j'ai rencontré Emilie R. dans une librairie, où nous étions employées.  Au fil des années à travailler ensemble, nous nous sommes rendu compte que nous avions ce rêve en commun : ouvrir notre propre librairie. »   Et voici donc leurs coups de cœur pour les lecteurs de 8 à 12 ans. Un peu de fantastique, un peu de magie, de grandes aventures, beaucoup d'émotion, tout ce qu'il faut aux enfants pour plonger à nouveau dans la lecture ! La sélection complète est à retrouver sur notre site   Les coups de cœur d'Emilie Robin : Norman n'a pas de super-pouvoir « À l'adolescence, chaque personne développe un super-pouvoir. Il y en a des super cool, comme le don d'invisibilité, et d'autres beaucoup plus moyens comme "imiter les chants d'oiseaux". Ce matin, c'est le jour du test qui déterminera le pouvoir de Norman. Malheureusement, il en est convaincu : il n'en a pas ! Par peur de décevoir ses parents, notre jeune ami va inventer un mensonge qui va grossir jusqu'à devenir hors de contrôle. Cependant, il peut compter sur ses amis fidèles pour se sortir de ce mauvais pas. Une belle histoire d'amitié et d'acceptation de soi. »   Le Club de l'ours polaire « C'est un grand jour ! Le papa de Stella l'autorise enfin à le suivre dans son expédition avec le club de l'ours polaire. C'est parti pour un voyage en traîneau dans le grand nord accompagné d'un magicien, d'un demi-elfe et d'un chuchoteur de loup ! Soudain, le traîneau de Stella s'éloigne du groupe et se perd. Comment retrouver son chemin dans cet endroit inconnu et mystérieux ? Un roman plein de magie accessible pour les jeunes lecteurs. »   Les coups de cœur d'Emilie Guitreau : Nevermoor « Un roman addictif, original et qui happe dès les premières pages ! Morrigane Crow est une jeune héroïne qui grandit dans une famille mal aimante et qui est promise à un sombre destin. Née le jour du Merveillon, elle est maudite et est donc condamnée à mourir à minuit le jour de ses 11 ans. Mais c'est sans compter sa rencontre avec un homme étrange qui lui propose de la sauver en l'emmenant dans un monde magique et inconnu : Nevermoor... Vous l'avez compris, on retrouve dans cette saga de nombreuses similitudes avec Harry Potter. Mais tout comme JK Rowling, Jessica Townsend a su créer un univers fantastique bien à elle ! »   Le premier défi de Mathieu Hidalf « Cette fois, nous sommes plongés dans un univers médiéval avec des touches de fantastique. Mathieu Hidalf est un génie de la farce. Son péché mignon : faire une ÉNORME bêtise le jour de son anniversaire, dont il partage la date avec le roi... Ce qui déplaît fortement au roi et à son bras droit qui n'est autre que le père de Mathieu. Mais cette année, il a promis de changer. Ou peut-être de se surpasser avec une bêtise encore plus incroyable ! Un roman drôle avec un personnage pétillant au fort caractère. »   [ean13_conseils | 9782075147583,9782075080286,9782266280761,9782070696888]

Entretiens
22/06/2023

Sélection thématique : la mort et le deuil en BD

Louise et Clément sont tous deux responsables BD au sein des librairies Glénat de Lyon et Grenoble. Ils ont choisi de nous présenter une sélection d'ouvrages autour de la mort et du deuil. La sélection complète est à retrouver sur notre site. Ils nous parlent ici de leurs coups de cœur respectifs au sein de cette sélection. Retrouvez la sélection complète sur notre site.   Louise « Depuis toujours passionnée par l'objet livre, je n'avais aucun plan B ! Depuis toute petite, c'était libraire ou rien ! Diplômée d'un master professionnel « Monde du livre » à Aix-en-Provence, j'ai la chance d'exercer ce fabuleux métier depuis 8 ans à Lyon. D'abord en librairie d'art puis en littérature générale, pour en venir à un projet personnel autour du livre bien-être qui ne verra  pas le jour. Ce fut pour retomber dans la BD, et quelle joie ! Je me verrais mal retourner à la littérature générale désormais tant cet univers est foisonnant et passionnant ! Je travaille à la librairie Glénat de Lyon en tant que responsable BD depuis 5 ans et j'ai à cœur de faire découvrir des petites pépites aux lecteurs chaque jour.   Clément Persuadé que mon avenir se trouve dans la BD, j'apprends tout ce qu'il m'est possible d'apprendre pour en faire mon métier. Pourtant, après trois ans d'études à Montpellier et un diplôme d'illustrateur en poche, je me rends compte que la vie d'un auteur de BD est loin d'être toute rose. Je décide alors d'aborder mon média favoris d'une nouvelle manière : si je ne peux pas faire de BD, je peux au moins les conseiller ! Je me lance alors dans une quête remplie de rencontres, de bénévolat et de culot pour finalement parvenir à mon but : devenir libraire spécialisé en BD ! Aujourd'hui, je suis responsable du rayon BD de la librairie Glénat de Grenoble, et j'en suis aussi heureux que fier !   Pourquoi avoir choisi cette thématique ?   Parce que la mort est universelle, et que chacun doit lui faire face à sa manière. Elle est parfois cruelle, et parfois douce. Elle nous coupe le souffle et de temps en temps, nous permet de nous rappeler les choses essentielles. Surtout, c'est un sujet terrifiant qui par la magie de la BD peut devenir poétique, fascinant, et parfois même nécessaire. Car bien souvent, nous oublions que derrière la mort se cache la vie. Et qu'à travers la BD, il arrive parfois qu'on parvienne à regarder la mort non pas pour ce qu'elle prend, mais pour ce qu'elle nous apprend.   Les coups de cœur de Louise : In waves, AJ Dungo, Casterman « Une seule lecture permet d'être ému à tout jamais. L'auteur raconte avec justesse et pudeur son premier amour, la grâce des instants volés à l'éternité quand on sait que le temps nous est compté. Ce récit tout en douceur sur la lutte contre la maladie est émaillé de chapitres sur l'histoire du surf comme discipline et art de vivre, qui est la passion commune des deux amoureux. On touche au sublime... »   I kill Giants, Joe Kelly et Ken Niimura, Hi comics « Barbara Thorson a une vocation dans l'existence : elle terrasse des géants ! Ils peuvent surgir n'importe où, n'importe quand, c'est pour ça qu'elle garde toujours son marteau de guerre nordique sur elle, même au collège, ce qui lui vaut quelques séances chez la psy. Mais les démons de Barbara ne seraient-ils pas intérieurs ? Nous découvrons son quotidien, ses frères et sœurs et sa mère qui se meurt dans une chambre à l'étage de la maison, une réalité qu'elle ne veut pas voir, se réfugiant dans un monde intérieur où elle est une guerrière. Un graphisme saisissant pour un récit symbolique aussi intelligent que puissant ! »   Les coups de cœur de Clément : Les vies de Charlie, Kid Toussaint et Aurélie Guarino, Dupuis « Vous vous demandez ce que deviennent les corps de vos proches décédés ? Charlie à la réponse ! Très fier de pouvoir rassurer les gens sur ce qu'il advient de leurs proches, il n'était pourtant pas préparé à la question de cet enfant en deuil : le corps d'accord, mais, et son âme alors ? Une grande quête intimiste et pleine de poésie pour apprendre à apprivoiser la mort, et découvrir avec douceur que même dans leur absence, nos proches sont toujours présents autour de nous. »   Karmen, Guillem March, Dupuis « Catalina est seule. Ses proches ne l'aiment pas, ils lui mentent tout le temps, et elle est sûre que son petit ami la trompe avec sa colocataire. Alors, parce que c'est plus de solitude et de tristesse qu'elle n'en peut supporter, elle décide d'en finir. Seule. Puis la faucheuse fait son entrée, et lui fait une étrange proposition... Pendant qu'elle prépare son envoi vers l'au-delà, Catalina pourra déambuler, invisible, avec une seule mise en garde : entrer en contact avec quelqu'un, c'est découvrir une partie de ses souvenirs. L'occasion pour Catalina de découvrir ce que pensaient vraiment ses proches... Mais est-ce vraiment ce qu'elle souhaite ? À travers cette histoire pleine de couleur, les auteurs nous proposent de réfléchir aux prisons dans lesquelles on s'enferme sans s'en rendre compte, et nous montrent tout le malheur qu'on est capable de s'infliger alors qu'on refuse de voir les mains que d'autres nous tendent. »   [ean13_conseils | 9782203192393,9782811223984,9791034761234,9791034733514]

Entretiens
31 mai 2023 11:11

Entretien avec Sandrine Kao

D'origine taïwanaise, Sandrine Kao est née en France. Après des études en métiers du livre, elle poursuit sa formation en illustration à l’École supérieure d'art d’Épinal et en littérature de jeunesse. Depuis 2008, elle est autrice et illustratrice pour la jeunesse, tant pour les plus jeunes que pour les adolescents. La culture asiatique nourrit profondément son travail, visuellement, mais aussi dans les thèmes qu'elle aborde. Dans ses ouvrages, elle souhaite donner au quotidien une facette douce et poétique et ouvrir une porte sur l'autre et vers l'ailleurs.   Depuis votre premier album, Écume, paru en 2008 aux éditions Gecko, votre style semble avoir beaucoup évolué. Comment dans votre travail d’illustratrice procédez-vous pour choisir tel ou tel type d’illustration ? Est-ce le texte, le thème, qui vous poussent à utiliser une technique plutôt qu’une autre ?   Lorsque mon premier album est paru en 2008, je sortais tout juste d’école d’art et j’étais toujours dans l’expérimentation. Je suis donc passée par la peinture, le collage, le pastel, les crayons de couleur… Chaque nouvel album me poussait à explorer d’autres techniques en fonction du texte et des thèmes abordés. Ces différentes expérimentations et recherches m’ont amenée à réfléchir sur ma façon de concevoir l’album. J’ai souhaité réaliser un album dans lequel les dessins ne seraient pas uniquement l’illustration du texte, et que le texte ne soit pas redondant par rapport aux dessins. Il fallait que ces deux mediums entrent en résonance tout en portant chacun une voix singulière. C’est avec Émerveillements que j’ai pu réaliser ce projet : avec lui, une représentation plus simple, et dans l’épure, s’imposait.   Vos premiers albums représentaient le plus souvent des êtres humains. Dans vos albums plus récents (depuis Émerveillements, paru chez Grasset en 2019), ce sont de tendres petits personnages anthropomorphes. Comment expliquez-vous cette évolution de votre travail ?   On a souvent trouvé mes personnages humains trop tristes et mélancoliques… Alors j’ai commencé à dessiner des animaux anthropomorphes plus expressifs, plus proches également de mes personnages favoris en littérature de jeunesse : j’ai ainsi retrouvé le plaisir du dessin au trait et c’est beaucoup plus facilement que je peux leur donner l’expression des diverses émotions qui les traversent.   Si l’on compare l’album Dans les bras du fleuve, par exemple, avec votre nouvel album Le fil, malgré les différences de thèmes, il y a une certaine douceur, une certaine poésie commune à vos albums dans vos illustrations aussi. Pensez-vous que certains thèmes, la manière de les aborder soient liés à vos origines taïwanaises ?   Si mon style et ma technique de dessin ont évolué, mes thèmes de prédilection sont restés les mêmes, et ma façon de les aborder également. Il y a en effet toujours cette douceur : j’ai peut-être un côté presque maternel envers mes personnages, je n’aime pas les voir seuls et j’essaie de leur trouver des solutions pour qu’ils puissent recevoir de l’affection. Quant à savoir si cela est lié à mes origines taïwanaises, je dirais qu’elles influencent forcément mon travail, notamment graphiquement. Il y a, je crois, une forme de gentillesse, un sourire, un accueil toujours chaleureux propres à la culture taïwanaise… J’aimerais beaucoup inviter les lecteurs dans mes albums de cette manière-là !   [SPLIT_CONTENT]   Pour certains albums, vous êtes à la fois l’autrice et l’illustratrice, pour d’autres seulement l’un des deux. Est-ce une volonté de votre part, de « varier les plaisirs », ou bien vos éditeurs vous le proposent-ils ?   Le plus souvent, il s’agit plutôt d’un choix éditorial, mais un plaisir pour moi aussi : lorsque j’ai proposé mon texte Une fleur aux éditions À pas de loups, c’est l’éditrice qui a fait le choix de le faire illustrer par Bobi+Bobi. Je connaissais déjà son travail et j’ai été ravie qu’elle l’illustre ; ses illustrations sur ce texte sont magnifiques ! Avant Émerveillements et Après les vagues, les textes que j’écrivais venaient toujours en amont des illustrations : ils auraient donc tout à fait pu être illustrés différemment et par quelqu’un d’autre. Mais pour ces deux albums, les illustrations et les textes sont tellement imbriqués qu’il était impossible de ne pas être à la fois l’autrice et l’illustratrice.     Vous avez aussi publié plusieurs romans. Cela est-il pour vous le prolongement naturel de votre travail d’illustratrice ou bien une nouvelle manière d’explorer la littérature jeunesse ?   Je me suis toujours considérée comme autrice avant tout, peut-être parce que j’ai d’abord souhaité écrire avant de vouloir illustrer. Lorsque je souhaite aborder un thème sous un angle plus réaliste, je choisis la forme du roman. Mon dernier, Comme un oiseau dans les nuages, parle d’origines, de traumatismes familiaux, mais la poésie n’est pas pour autant absente : j’ai voulu retranscrire les portraits des différents personnages presque sous la forme de contes, et l’amour, si propice aux images, et les arts viennent nouer le fil de l’histoire. Mais je n’ai pas fini d’explorer le roman, et, tout comme Émerveillements et Après les vagues ont pris un format hybride entre l’album et la bande dessinée, peut-être qu’un format hybride de roman s’imposera…   Dans votre nouvel album Le Fil, qui est un album sans texte, vous avez réussi à transposer la poésie habituellement présente dans vos textes, dans les illustrations. Cela a t’il été un travail plus difficile que d’habitude de parvenir à une telle épure ?   Oui, lorsque l’éditrice de cette nouvelle collection « Mini Bulles » chez Nathan m’a proposé de réaliser une bande dessinée sans texte, ça a été un véritable défi à relever ! Le texte a toujours été un support sur lequel m’appuyer, et réussir à faire comprendre toute une histoire sans un mot n’est pas si facile. Mais c’est aussi ce qui peut être magique : sans texte, les images laissent libre cours à différentes interprétations, libre au lecteur de choisir la sienne ! La mise en couleur de l’album m’a effectivement donné du fil à retordre : sans texte, j’étais tentée d’ajouter aux dessins des détails, comme pour pallier ce manque, et de créer pour chaque paysage (le personnage du Fil traverse différents lieux et éléments : terre, forêt, air, eau) une ambiance colorée différente. J’ai préféré tout épurer, tant au niveau de la couleur que des détails, en ne gardant que les éléments de décor nécessaires, pour privilégier une unité d’ensemble et la lisibilité de l’histoire.   Avez-vous des auteurs/autrices, illustrateurs/illustratrices qui vous inspirent ? Des albums ou des romans qui vous ont décidé à exercer ce métier ?   J’avais peu d’albums jeunesse lorsque j’étais enfant, mais je me souviens avoir reçu en cadeau Les Derniers Géants de François Place. C’était mon plus beau livre (relié avec un dos toilé). Je lisais et relisais également un recueil de Contes chinois, qui, je pense, a largement contribué à nourrir mon imaginaire d’enfant quant à mes racines asiatiques. Aujourd’hui, je crois que mes derniers albums sont le fruit d’inspirations multiples : on peut, pour Émerveillements par exemple, y voir l’influence des Oiseaux de Zullo et Albertine, des Meilleures réflexions d'une grenouille d’Iwamura, des Moomins de Jansson, de Petit Mops d’Elzbieta, de Kuma Kuma de Takahashi… et tant d’autres !   [ean13_auteur | 9782092494592] [ean13_conseils | 9782916689111,9782246816379,9782246824459,9782930787428,9782748530490]

Entretiens
14 avril 2023 11:15

Entretien avec Tiburce Oger

Né en 1967, Tiburce Orger est un scénariste et dessinateur de bande dessinée. Il étudie d'abord à l'école des Beaux Arts d'Angoulême avant de travailler trois ans dans l'industrie du dessin animé. Très tôt, son travail est prometteur et il remporte l'Alph'art avenir au festival d'Angoulême de 1991. Son premier album, Gorn, sort en 1992 chez Vents d'Ouest. 11 volumes verront le jour. En 2011, il est associé à Anne Robillard pour une série d'albums adaptés de la série de romans, Les Chevaliers d'Émeraude. En 2013, il commence une nouvelle collaboration avec les éditions Rue de Sèvres et renoue avec ses premières amours, le western (Buffalo Runner).   Tiburce Oger est un auteur complet, mais n'hésite pas à écrire des histoires pour d'autres dessinateurs. Dans cet entretien, il évoque deux projets autour de la conquête de l'Ouest, Go West young man et Indians ! Pour les deux albums, le principe est le même, un thème est décliné en courtes histoires liées entre elles. Les récits sont mis en images par plusieurs spécialistes du genre et des grands noms du neuvième art.     Dans Go West, young man, publié il y a un peu plus d’un an, vous avez créé une histoire qui se passe dans le Far West. Vous avez publié en fin d’année Indians, qui reprend la thématique de la conquête de l’Ouest, cette fois du point de vue des amérindiens. Vous montrez dans ces albums une facette peu reluisante de la conquête de l’Ouest. Comment vous est venue cette idée de raconter l’histoire ainsi (et de casser en passant de nombreux clichés sur cette période) ?   Depuis l'enfance, bercé par les westerns holywoodiens et les bandes dessinées telles que Lucky Luke, Blueberry ou Les Tuniques bleues, puis par des auteurs comme Hermann* et Derib**. J'ai nourri une passion pour l'histoire de l'Ouest américain. Vivant dans un milieu équestre, la passion des chevaux et des grands espaces ont développé mon envie d'indépendance et de liberté. Puis la vie et l'âge ont amené le gamin que j'étais à regarder cette histoire nord américaine d'un œil plus critique. Et on ne critique bien que ce que l'on aime.   Go West, Young man et Indians sont des histoires courtes. Dans Go West, les histoires sont reliées entre elles par une montre dont nous suivons le destin au travers de ses différents propriétaires. Dans Indians, les récits sont enchâssés par deux scènes qui se passent dans une sorte de « foire aux monstres » comme il en a existé. Comment vous est venue l’idée de proposer des histoires courtes ? Le fil conducteur est-il venu en premier ?   Le fil conducteur n'est pas venu au premier abord. Il me fallait effectivement un lien entre les récits. Sur Go west, la montre s'est rapidement imposée : c'est le temps qui passe, l'objet de valeur et de convoitise, le contraste entre la civilisation européenne au début de sa révolution industrielle et le monde amérindien resté proche de la nature. Pour Indians, le grand aigle américain, vénéré par les Amérindiens et récupéré par les colons européens proposait un regard avec de la hauteur sur les agitations des petits hommes. [SPLIT_CONTENT]   Chaque histoire nous est proposée par un dessinateur différent. Cela crée un camaïeu très savoureux pour le lecteur. Au-delà de la diversité de styles et de colorisation, cela sert aussi le scénario puisque chaque histoire développe ainsi son propre univers dans l’esprit du lecteur. Le choix de proposer plusieurs illustrateurs par album s’est il imposé dès le départ de ce projet ?   Oui, cela a été la base du projet. Alité après une chute et deux côtes cassées, je ressassais mes rêves de collaboration avec des auteurs que j'admire et cette envie de partager cette passion du western. Proposer des albums entiers à ces auteurs très sollicités, c'était impossible. Leur proposer ce projet collégial s'est vite imposé. Effectivement, chaque style amène sa propre personnalité. Lorsque j'écris chaque histoire, le dessin de l'auteur envisagé pour l'illustrer s'impose dans ma tête, c'est assez passionnant. Pourtant, la proposition finale du dessinateur est toujours au delà de mes espérances, ça c'est magique.   Comment s’est fait le choix des dessinateurs ? Comment avez-vous décidé lequel allait prendre en charge telle ou telle de vos histoires ?   J'ai dû d'abord les contacter, leur proposer l'idée puis leur demander s'ils avaient une envie particulière, un thème, une période ou un personnage qui les fascine et qu'ils aimeraient dessiner. Olivier Taduc voulait dessiner la période des trappeurs, Ralph Meyer était passionné par le pony express, Christian Rossi voulait rester sur le thème des tribus apaches, Michel Blanc-Dumont voulait renouer avec sa fascination pour les indiens des plaines … Et puis certains copains ont dû travailler sur des histoires indispensables à la narration globale des albums sans que je leur demande si cela leur convenait. Et ils ont accompli la mission avec beaucoup de gentillesse. [SPLIT_CONTENT] Vous êtes vous-même dessinateur : n’a t’il pas été difficile parfois de demander à des confrères de dessiner des histoires dont vous êtes l’auteur ? De les laisser mettre leurs images sur vos mots ?   Bien sûr. Demander à des auteurs de participer à un projet un peu farfelu, c'est une prise de risque. Quelques auteurs ont refusé, trop pris, ou n'adhérant pas au principe de projet collectif. Il faut accepter de partager l'affiche. Et quelle affiche ! J'ai croisé les doigts à chaque envoi de scénario aux auteurs, sachant que leur participation à l'album découlait de leur envie de dessiner l'histoire proposée. Mais chaque réponse positive a été un cadeau de Noël. C'est une façon de dire « ta toile est pas mal, on va y ajouter notre palette ». Le fait que je sois dessinateur m'a peut-être aidé à proposer des scénarii tout de suite explicites pour les auteurs car nous parlons le même langage.   Prévoyez-vous une suite à Indians ? La richesse de la mythologie amérindienne, et la vision de la conquête de l’Ouest que vous proposez semblent encore receler bien des histoires, que l’on a hâte de découvrir…   Nous sommes sur un prochain tome, des auteurs déjà présents sur Go West et/ou sur Indians seront toujours de l'aventure, et de nouveaux auteurs seront avec nous. J'adore ces nouvelles rencontres et ces échanges de travail, qui, sans cette idée d'album chorale, n'auraient sans doute jamais eu lieu et ma carrière aurait été vraiment moins passionnante !   * Hermann Huppen est un dessinateur et scénariste belge de bande dessinée. Il a reçu en 2016 le Grand prix de la ville d'Angoulême pour l'ensemble de sa carrière. **Derib, de son vrai nom Claude de Ribaupierre est un auteur suisse de bande dessinée. Passionné par les Indiens d'Amérique, il est l'auteur de séries de bandes dessinées populaires comme Yakari et Buddy Longway.   [ean13_auteur | 9782818983201] [ean13_auteur | 9782818998229]  

Entretiens
29 mars 2023 10:26

Entretien avec Jean-Marie Saint-Lu, traducteur

Jean-Marie Saint-Lu est l’auteur de plus d’une centaine de traductions. Grand « passeur » d’auteurs espagnols et latino-américains (Alfredo Bryce-Echenique, Juan Marsé, Antonio Munoz Molina, Elsa Osorio, Eduardo Berti, Fernando Vallejo, Vilma Fuentes, Jordi Soler…). Agrégé d’espagnol, il a enseigné la littérature latino-américaine aux universités de Paris X-Nanterre, puis de Toulouse le Mirail. Jean-Marie Saint-Lu a reçu, avec Robert Amutio, le prix Bernard Hoepffner 2020, pour la traduction des Œuvres complètes de Roberto Bolaño.   Vous êtes traducteur de l’espagnol, de Juan Marsé notamment, dont un très beau roman vient de paraître à titre posthume. Votre métier est assez peu médiatisé, malgré le fait que votre rôle soit essentiel dans la découverte d'œuvres rédigées en langues étrangères. Considérez-vous votre métier comme un travail de passeur ?    C’est ainsi qu’on le qualifie généralement, pourquoi pas ? L’étymologie de « traduire », admise aujourd’hui malgré une erreur de sens, semble le justifier.   Juan Marsé, que vous traduisez depuis une trentaine d’années, a situé la quasi-totalité de ses écrits à Barcelone, dans le quartier de Guinardo et a été très marqué par la période liée au franquisme. Au-delà bien entendu de la connaissance linguistique, n’y a t’il pas (ou n’y a t’il pas eu à un moment) des difficultés à appréhender le contexte géographique ou culturel, dans votre travail de traducteur ?    Il se trouve qu’avant d’être traducteur, j’ai été (et jusqu’à ma retraite) enseignant d’espagnol à l’université. J’étais donc en terrain connu, et disposais d’ouvrages de référence. C’est pourquoi je n’ai pas rencontré de grosses difficultés dans ce domaine. Et j’ajoute qu’en ce qui concerne le quartier du Guinardo, en particulier (et comme sur bien d’autres choses), j’ai pu consulter Juan Marsé chaque fois que j’en ai eu besoin.   Pourriez-vous nous présenter Juan Marsé, dont l'oeuvre montre un attachement viscéral à la ville de Barcelone et à ses bas-fonds, et en particulier aux « petites gens » ?   Il y aurait tant à dire… Il faut se souvenir que Marsé était issu du « peuple », enfant adopté de surcroît, et qu'avant d’écrire il avait travaillé comme apprenti dans une joaillerie. Raison pour laquelle l’intelligentsia littéraire de Barcelone en a fait, du moins au début, un exemple d’écrivain « du peuple ». Ce qui le faisait bien rire… Cela dit, il est bien certain que l’une des grandes caractéristiques de son œuvre est, précisément, sa compassion et son empathie pour les « petites gens », manifestes dans son dernier roman comme dans toute son œuvre. Il est d’ailleurs resté toute sa vie, même au sommet de sa renommée - qu’il regardait toujours avec un peu d’ironie -, d’une simplicité remarquable.   Avez-vous eu des difficultés particulières à traduire Heureuses nouvelles sur avions en papier, en sachant que c’était le dernier restant à traduire ? Un manque peut-être de ne plus retrouver les « aventis » * de Juan Marsé ?   Pas plus que pour ses autres romans, sauf que cette fois il n’était plus là pour répondre à mes éventuelles questions. Une difficulté pour traduire le titre : on aurait tendance à dire « heureuses nouvelles PAR avions en papier », en accord avec les usages de la poste aérienne, mais c’est bien « SUR » qu’il faut lire, en accord avec le contexte. Tant pis pour la Poste. [SPLIT_CONTENT] Comment se passe précisément votre travail, entre le moment où vous avez signé le contrat avec un éditeur jusqu’à l’achèvement du texte ? Avez-vous parfois des échanges avec l’auteur de l'œuvre en cours de traduction ?   Depuis mes débuts, je travaille de la même façon, avec un objectif « incontournable », comme on dit, à savoir remettre ma copie à l’heure indiquée par le contrat. Je traduis « au kilomètre », sans me relire, jusqu’à la dernière page. Pendant cette étape, je note les points qui me posent difficulté, et à la fin je soumets ceux qui n’ont pas été résolus par la suite du livre à l’auteur - quand il est vivant -. Je précise que j’ai toujours eu d’excellents rapports avec « mes » auteurs, dont plusieurs sont devenus de vrai amis. C’est le cas de Juan Marsé, bien sûr, dont j’ai une belle collection de lettres, car il ne s’est mis que sur le tard à l’ordinateur. Puis j’imprime ma traduction et c’est là que commence le « vrai »  travail, sur papier, en comparant mot à mot version original et traduction. Puis, après avoir laissé reposer la pâte aussi longtemps que j’en ressens le besoin, je fais une dernière lecture (avant les épreuves), avant l'envoi à l’éditeur. J’ajoute que l’indispensable respect de la date de remise oblige à un travail dont les étapes sont programmées.   A l’heure où l’intelligence artificielle semble se développer de manière exponentielle, avez-vous des craintes pour l’avenir des traducteurs, et pour la qualité des textes traduits ?    Hum… je crains bien que ce problème ne se pose, en effet… mais c’est une crainte toute rhétorique : de même que Google n’a jamais réussi à remplacer les traducteurs, l'intelligence artificielle ne me semble pas assez intelligente, pour y arriver. Et je suis convaincu que mes jeunes confrères ne se laisseront pas faire.   Quels livres, que vous avez traduit ou non, conseilleriez-vous à un lecteur pour découvrir la littérature hispanophone ?   Hou là la ! Vaste question ! Je pourrais répondre Don Quichotte, bien sûr, mais pour la littérature contemporaine, plus abordable pour une premier contact, le choix est grand. Je conseillerais les romans de Manuel Vásquez Montalbán, d’Antonio Muñoz Molina ou, plus récents, Arturo Pérez Reverte et Carlos Ruiz Zafón, ou, pour citer quelques-uns de « mes » auteurs,  de Ricardo Menéndez Salmón ou Pablo Martín Sánchez (en particulier L’Anarchiste qui s’appelait comme moi, La Contre Allée-Zulma). Mais pour répondre plus précisément à votre question, je citerais Teresa l’après-midi, de Juan Marsé, chez Christian Bourgois. Pas parce que je l’ai traduit, mais parce que selon moi, et mon avis est largement partagé, c’est un des meilleurs romans espagnols contemporains. Je m'en tiens aux romanciers espagnols, mais bien sûr il y a tous les hispano-américains.   *Inventer des « aventis » consiste à raconter des histoires en s'inspirant de la réalité et en les déformant. [ean13_conseils | 9782757822654,9782021406610,9782757847961,9782330146764,9791038700529,9782757841242,9782267031904] [ean13_auteur | 9782267052312]

Entretiens
6 mars 2023 08:52

Portrait de libraire : Faustine Benoît

Faustine Benoît est libraire et associée à la librairie la Géothèque, à Nantes. La Géothèque est une librairie nantaise, spécialisée dans le livre de voyage, qu'il soit pratique (guide et carte), littéraire (roman et récit) ou artistique (carnets et photographies). A travers leur sélection, les libraires invitent  petits et grands à découvrir le monde.   Pouvez-vous vous présenter et nous parler un peu de votre parcours ? Avez-vous suivi une formation pour devenir libraire ?   Je suis Faustine Benoît. Je travaille en librairie depuis 2012, date du début de ma formation. Après mon bac général, je me suis engagée dans une licence d'histoire puis j'ai poursuivi en Master d'histoire médiévale à Rennes. Ce fut un échec plus ou moins annoncé mais qui m'a permis de travailler en renfort à la librairie Quai des Bulles puis à Ty Bull... tome 2 où les gérants m'ont fait confiance. C'est grâce à eux que j'ai découvert le brevet professionnel de libraire que j'ai passé en apprentissage pendant deux années formidables à la librairie la Géosphère à Nantes auprès de Benoît Albert et le reste de l'équipe. J'ai ensuite travaillé à la librairie Univers BD à Caen puis en 2015, lorsque j'ai appris que La Géothèque allait fermer définitivement, j'ai contacté Benoît et j'ai décidé de le rejoindre dans un projet de reprise avec quatre autres associés. La librairie a donc rouvert en novembre 2015. Depuis, nous continuons de la développer et les nantaises et les nantais nous soutiennent beaucoup.   Pourquoi êtes-vous devenue libraire ?   C'est très bateau, mais je suis devenue libraire parce que j'aime lire et partager mes lectures. Mon père est un lecteur compulsif. Il adore parler des ses lectures ou de la vie éditoriale d'un livre. Il m'a transmis le virus en me faisant lire plein de choses très diverses. Comme beaucoup, peut-être, je me suis engagée dans cette voie par amour des livres sans savoir ce que c'était que d'être commerçant. Car la librairie c'est avant tout un commerce. Mais l'apprentissage m'a fait découvrir toutes les facettes du métier : le travail du fonds et de l'office, la relation client, les relations avec les éditeurs et les auteurs, la gestion, l'animation de rencontres, la communication.   Pouvez-vous nous décrire une journée-type à la librairie ?   Un libraire m'a dit un jour que pour lui, être libraire c'était « savoir tout faire : des branchements électriques à la comptabilité » et c'est très vrai. On bricole, on lit, on écrit, on compte, on échange... Les journées sont remplies de mille petites activités. Une journée type à La Géothèque, ce serait : - Petit café avec les collègues avant l'ouverture. C'est un moment tranquille pour échanger sur nos dernières lectures ou pour faire la liste des mille choses à faire. - Ouverture de la librairie et coup d'œil sur les mails, souvent nombreux. On traite les urgences en attendant la livraison. - Réception des colis. Parfois nous avons quelques rendez-vous avec nos représentant.e.s. - Pause déjeuner à tour de rôle. On finit le rangement et chacune et chacun s'occupe des mails qui le concerne : répondre à un auteur à propos de sa venue à la librairie, réserver un hôtel, faire le point sur la communication, valider des offices, demander des services de presse aux éditeurs, discuter d'un partenariat, préparer un festival, faire des recherches pour un ou une client.e. - Ranger un rayon ou faire des notules (les jolis petits mots de libraires pour vous donner envie d'ouvrir un livre), faire une table, une vitrine ou des posts sur les réseaux sociaux si on aime le faire. Faire un peu de comptabilité. Le tout entrecoupé par des conseils clients et le téléphone. En fait une journée-type c'est faire plein de choses importantes dans le quotidien d'un commerce mais en étant d'abord accessible et présent pour nos client.e.s. C'est commencer une tâche, l'interrompre volontiers pour échanger avec la clientèle et ne pas oublier de la reprendre (en tout cas pour ma petite tête de linotte c'est la gymnastique quotidienne !).   Quel est le profil des personnes qui viennent dans une librairie de voyage ?   En terme de profil évidemment en librairie spécialisée voyage il y a d'abord les voyageurs. Celles et ceux qui partent dès que les congés arrivent ou bien qui font un voyage dans l'année et qui cherchent des guides et des cartes pour préparer les trajets. La librairie ayant aussi un gros rayon randonnée, il y a les marcheurs aguerris et les primo randonneurs qui cherchent aussi des cartes et des guides pratiques. La Géothèque a aussi un fonds littéraire sur le voyage. Sur nos tables, il y a donc des romans et des récits sur tous les continents. Une partie de notre clientèle vient pour cela : découvrir des titres méconnus, voir d'autres éditeurs parfois moins visibles. L'avantage d'être dans une librairie spécialisée comme la nôtre, c'est que nous sommes moins soumis aux impératifs de sorties et d'actualités. Enfin, à Nantes, nous sommes très légèrement excentrés. Il y a donc un clientèle de quartier, qui passe pour le plaisir ou pour commander des titres que nous n'avons pas en stock.   Que diriez-vous à quelqu'un qui rêve de devenir libraire ?   Qu'à mes yeux c'est un métier passionnant quand on a trouvé une structure dans laquelle on est à l'aise. Qu'il ne faut pas hésiter à sortir de ses habitudes de lectures et se méfier de ses a priori sur certains rayons. En entrant à La Géothèque, j'ai découvert une littérature qui m'était totalement étrangère. Moi lectrice de polar et de BD, je n'avais jamais lu de récit de voyage, de littérature chinoise ou chilienne, ou néozélandaise.. et pourtant aujourd'hui rien ne m'amuse plus que de lire sur l'ailleurs. Je dirais aussi qu'il faut savoir écouter les gens, absorber un maximum de choses. On ne pourra jamais lire l'ensemble de la production littéraire, mais on peut mettre en commun les lectures. Pour quelqu'un qui veut être libraire, je finirai en disant que c'est un métier de commerce avant tout. Il faut donc aimer les gens et apprendre à vendre des livres.   Si vous aviez 5 livres à nous conseiller, quels seraient-ils ?   La question à deux mille points ! Dur dur ! Voici quelques coups de cœur, plutôt récents et que j'aimerais que les gens prennent le temps de découvrir. - Mon cœur bat vite de Nadia Chonville, éditions Mémoire d'encrier - Bones Bay de Becky Manauatu, éditions Au vent des îles - En roulotte à travers l'Europe centrale, de Clément Magos et Damien Ruelens, éditions Partis pour - Kitchike de Louis-Karl Picard-Sioui, éditions Dépaysage - Saara de Beyrouk, édirions Elysad [ean13_conseils | 9782367344379,9782897128685,9782931209011,9782902039227,9782492270840]  

Entretiens
6 mars 2023 08:52

Portrait de libraire : Gersende Guingouain

Gersende est responsable du rayon bandes dessinées et littératures de l'imaginaire à la librairie l'Esperluète, à Chartres, depuis trois ans. Après quelques années passées à la librairie anglaise Shakespeare and Company à Paris, elle a rejoint l'Esperluète et implanté un rayon de livres en anglais, dont elle s’occupe également. L'Esperluète est une librairie indépendante et généraliste de 500m2 avec un stock riche d'environ 50 000 références. Librairie emblématique de la ville de Chartres, elle est située dans une maison comportant des vestiges du XVIe siècle. En 2022, la librairie a fait peau neuve et a rouvert ses portes au mois de novembre, après d'importants travaux de rénovation.   Pouvez-vous vous présenter et nous parler un peu de votre parcours ? Avez-vous suivi une formation pour devenir libraire ?   J'ai étudié les humanités et plus spécifiquement la littérature anglaise, avant de partir vivre cinq ans en Irlande. Lorsque je suis revenue vivre en France, j'ai rejoint Shakespeare and Company. Au cours de mes 6 années en librairie anglaise, je me suis formée à l’École de la Librairie, d'abord à la découverte du métier de libraire pour consolider les bases, puis sur les problématiques de reprise de librairie. J'ai surtout veillé à multiplier les expériences (stages en magasin, manipulation de divers logiciels de librairie, salons du livre, ...) afin d'apprendre au maximum de situations concrètes.   Pourquoi êtes-vous devenue libraire ?   Cela a commencé par un stage, puis un autre, puis l'opportunité de rejoindre l'équipe de l'Esperluète le temps des Rendez-vous de l'Histoire à Blois. Je me suis faite happer par la passion de ce métier: la découverte permanente de nouveaux livres, la rencontre des gens passionnés, tant les éditeurs et les auteurs que les clients et les collègues.   Vous êtes responsable du rayon BD et mangas de la librairie l'Esperluète. Comment sélectionnez-vous les ouvrages ?   Pour les nouveautés, je travaille de près avec les représentants. C'est une relation de confiance mutuelle sur le long terme, au sens où ils connaissent très bien les titres de leurs catalogues et le profil de la librairie. De mon côté, je connais ma clientèle ce qui permet d'acheter les nouveautés au mieux mais aussi de tenter de prises de risque sur certains titres auxquels on croit. Je veille également à maintenir une offre diversifiée sur le fonds. Enfin, j'écoute les clients qui sont aussi de grands lecteurs. Parfois, c'est eux qui nous conseillent et attirent notre attention sur un texte. C'est toujours un précieux moment d'échange.   Quel est le profil des personnes qui viennent dans votre rayon ?   Dernièrement, le lectorat de la BD s'est beaucoup renouvelé et diversifié. Le Roman Graphique a permis de féminiser le lectorat traditionnel plutôt assidu à la BD franco-belge mais aussi d'attirer de nouveaux lecteurs, notamment de littérature générale qui découvrent un rayon qu'ils ne fréquentaient pas auparavant. De par son côté très littéraire, le Roman Graphique touche un public plus large que la BD franco-belge et ce, dès l'adolescence. Par ailleurs, l'essor du manga attire un public adolescent qui, peut-être, n'aurait pas facilement franchi la porte d'une librairie indépendante. C'est important de savoir les accueillir et de montrer que la librairie est aussi un lieu pour eux. Enfin, de la BD sans texte jusqu'aux grandes séries jeunesse, la BD pour les enfants est un rayon foisonnant où la production s'est grandement renouvelée par rapport aux traditionnels Astérix et Tintin. On s'y régale.   Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ? Et le moins ?   L'effervescence de la fin d'année, les rencontres avec les auteurs, mais je dirais qu'au jour le jour, c'est la découverte permanente des nouveautés qui fait que le plaisir de lire est toujours là et qu'on le partage avec les clients. J'aime aussi sortir de mon rayon et découvrir ce qui se passe chez mes collègues. En dehors du manque de temps dont, je pense, tous les libraires ressentent la frustration, je trouve que l'on manque d'occasion de mieux se connaître entre libraires et éditeurs. Ce sont des moments que l'on peut avoir lors de salons du livre et qui sont importants pour développer des liens entre ceux qui conçoivent les livres, choisissent des textes et des auteurs et établissent des catalogues qui sont leur identité, et au final, ceux qui vendent ces livres dans ces lieux si singuliers que sont les librairies indépendantes. Autre point frustrant, je dois aussi ajouter un mot sur le gâchis dans la chaîne du livre. La profession, via notamment le Syndicat de la Librairie, réfléchit aux bonnes pratiques à mettre en place et d'ores et déjà, chaque librairie fait ce qu'elle peut, mais il est temps de travailler avec toute la chaîne du livre (notamment la logistique) sur la nécessité de bannir le plastique et le conditionnement des colis qui génère encore trop de gâchis.   Si vous aviez 5 livres à nous conseiller, quels seraient-ils ?   Pour l'exercice, je vais me cantonner à la BD... - Une BD jeunesse : Ecoline, de Stephen Desberg et Ana Teresa Martinez Alanis, aux éditions Bamboo - La trilogie Un monde en pièces de Gaspard & Ulysse Gry, aux éditions Presque Lune. Un vrai tour de force ! - Grand Silence de Théa Rojzman et Sandrine Revel aux éditions Glénat. Bouleversant ! - Ladies with guns De Olivier Bocquet et Anlor aux éditions Dargaud - La Couleur des choses de Martin Panchaud, éditions Ça et là. Un coup de cœur bien avant son prix à Angoulême.   [ean13_conseils | 9782818977583,9782917897393,9782344041055,9782205087338,9782369903086]    

Entretiens
19 septembre 2023 16:58

Tours et Détours, librairie itinérante

Tours et détours est une librairie itinérante fondée par Johanna Finance depuis un peu plus d'an an. Elle sillonne les routes des Hauts-de-France avec sa camionnette et propose des livres neufs et d’occasion.   Vous sillonnez les routes du Nord Pas de Calais avec votre librairie itinérante. Comment vous est venue cette idée ?   Je suivais déjà certaines librairies ambulantes comme le Mokiroule ou les Mots Volants, avec qui j'ai échangé. L'idée de départ était de travailler au sein du café citoyen du Mont-Saint-Éloi (62144), le Choucas des tours, en milieu rural, tout en étant proche d'Arras. Mais cela n'était pas viable, et l'idée m'est venue de sillonner les villages et les plus grandes villes, tout en étant en lien avec le café citoyen et d'autres établissements de ce type.   Toute votre librairie tient dans une camionnette, comment jouez-vous avec cette contrainte pour constituer votre stock et avoir une proposition suffisamment étoffée pour vos clients ?   Je suis limitée du point de vue financier et par le manque de place ! Mes choix sont donc très ciblés. Je privilégie les meilleures ventes et surtout mes coups de cœur qui tournent autour de  l'écologie ou le féminisme. Je mets en avant des maisons d'édition plus confidentielles mais qui ont toutes leur légitimité et une juste place dans les endroits où je circule.   De fait, la question de la sélection doit être primordiale dans votre cas. Sur quels critères faites-vous vos choix ? Quelle est la part accordée au fonds, c'est-à-dire aux ouvrages parus il y a un certain temps, par rapport aux nouveautés ?   Je propose une offre variée qui, doucement, s'adapte à une clientèle que je commence à cerner et à découvrir. La clientèle n'est pas toujours la même qu'en librairie « classique » et selon les villes où je passe, l'offre sera différente. Selon les évènements sur lesquels je me positionne aussi d'ailleurs : festival nature, salons du livre, campings l'été... Je travaille beaucoup sur le conseil et je mets en avant des titres que j'ai aimés il y a longtemps mais que je possède toujours dans le camion. Je propose également des livres d'occasion, ce qui me permet d'avoir des ouvrages plus anciens et des classiques.   Pouvez-vous nous citer trois titres que vous avez toujours en stock ?   - L' Homme qui plantait des arbres de Jean Giono - L' Homme qui ne comptait pas les jours d'Alberto Cavanna - Une Longue impatience de Gaëlle Josse   Deux livres à nous recommander pour tenir jusqu'au printemps ?   Les Mangeurs de nuit de Marie Charrel aux éditions de l'Observatoire  Contes japonais et légendes indigènes se lient dans une très belle ode à la nature grâce à Hannah, fille d'immigrés Japonais qui vit en pleine forêt canadienne et à sa rencontre avec Jack, un indien Creekwalker chargé de veiller sur la forêt. Un roman qui fait des allers retours entre l'histoire des parents d'Hannah et surtout de sa maman qui a quitté le Japon en 1926 pour se marier avec un Canadien, espérant ainsi un avenir plus radieux, et la vie d'Hannah qui croisera aussi la route d'un ours blanc et qui développera d'étranges dons par la suite. Un roman choral foisonnant et qui donne surtout envie de marcher dans ces immensités canadiennes !   De Bouche à oreille de Simon Priem et Marta Orzel aux éditions Sarbacane Alors là pour le coup on saute le printemps et on a l'impression d'être en été ! Dans le jardin, à la fin de la journée avec le petit Martin qui n'arrive pas à aller se coucher car il y a tant à voir et à sentir ! Pourtant son papa l'appelle : "Allez Martin, il est l'heure de se brosser les dents et d'aller se coucher !" Commence alors un véritable téléphone indien ! La petite phrase va bien évoluer en passant par la bouche des petits animaux du jardin jusqu'à arriver transformée jusqu'aux oreilles de Martin ! De belles couleurs, de la poésie et une folle envie de se retrouver fin juin, au jardin, entre chiens et loups ! [SPLIT_CONTENT] [ean13_conseils | 9782070744619,9782357070394,9782882504890] [ean13_auteur | 9782377318568,9791032921494]

Entretiens
8 février 2023 11:25